Thursday, October 29, 2020

L'essentiel

 L’essentiel                                                                                                                                                                                                                 Arrivée dans sa chambre d’hôtel, Louise poussa la porte et la referma aussitôt en s’empressant d’enlever son masque.  Elle se déshabilla à toute vitesse pour enfermer son uniforme dans le garde-robe et empêcher ce virus d’infiltrer la pièce. Elle enfila un legging et un t-shirt et fît le tour de la chambre pour la désinfecter en s’assurant que tout était propre. Exténuée, elle se rendit à la fenêtre en jetant un coup d’œil sur le magnifique jardin devant l’hôtel et observa pendant quelques instants les gens qui s’y trouvaient puis éteignit les lumières en se jetant sur son lit. Lorsqu’elle se réveilla, elle tira les rideaux et en s’étirant elle aperçue que la dame assise près des althéas était encore là.                                            Merde! J’ai dormi combien de temps? se demanda-t-elle. Quatre heures. Bon, vite.                                                         Elle se dépêcha à prendre sa douche à toute vitesse pour sortir faire ses emplettes comme à l’habitude mais le port du masque la chagrina.                                                                                                   En traversant le beau grand jardin de St-John’s Wood,  elle croisa la vieille dame qui avait échappé son livre parterre. Elle se précipita pour l’aider et aperçu qu’elle était une artiste en voyant ses croquis.                                          Ah! Je comprends maintenant pourquoi vous passez des heures ici.                                                                                          Vous m’observez demanda-t-elle en reprenant son livre en marchant à ses côtés.                                                             Regardez, dit-elle en pointant l’hôtel derrière elle. Je vous ai vu de la fenêtre là-haut lorsque je suis arrivée, j’ai dormi 4 heures et vous êtes encore là.                                           Oui et maintenant je quitte pour aller manger.                   Ah! Moi aussi. Je vais déjeuner.                                                          Il est un peu tard pour déjeuner, dit la vieille anglaise qui remettait son livre dans son sac.                                                Je suis agent de bord, vous savez, j’ai bossé toute la nuit. Elles marchèrent en traversant la partie du cimetière du jardin.                                                                                                  C’est la pierre tombale de mon mari, expliqua Marguerite en s’arrêtant.                                                                               Il vous voit tous les jours le chanceux.                                          Elles continuèrent à marcher.                                                         La vie, toutes les vies, ont une fin et la mienne semble ne jamais venir, avoua -t-elle en tournant à la droite des Camélias.                                                                                         Attendez, arrêtez -vous, dit Louise. Sentez-moi ces fleurs ne sont-elles pas magnifiques? Regardez-les, vous êtes chanceuse de pouvoir les voir à tous les jours. Les magnolias, les forsythias, ils sont magnifiques. Elles arrivèrent au coin de la rue.                                                                          Je dois aller dans cette direction, expliqua la dame qui aimait bien prendre le temps de lui parler.                                   Ça vous dirait de venir manger un petit scone et prendre une tasse de thé, je vous invite, dit Louise. C’est long de passer la journée toute seule.                                                  Pourquoi pas, répondit-elle en souriant.  Allons plutôt dans Régents Park je vous ferai découvrir un joli petit café. Nous pourrons jaser à l’extérieur sans devoir nous couvrir le visage.                                                                    Ah! Excellente idée. Je m‘appelle Louise et vous? Marguerite.                                                                               Ah! Comme ma mère. Enchantée de vous rencontrer. Vous savez aujourd’hui dans l’avion les passagers sont tous branchés et on n’a plus la chance de rencontrer personne. C’est tellement dommage.                                                                                       Oui, c’est la même chose ici. Je vois les gens tous les matins au jardin avec leurs enfants et ils ne m’adressent même pas la parole. Les parents fixent leur appareil du matin au soir et n’ont aucune idée des besoins de leurs enfants. Ils ne communiquent même pas entre eux. Comment peuvent-ils savoir comment se sentent leurs enfants? Qu’est-ce qu’ils pensent? L’échange entre un parent et leurs enfants est si crucial. C’est une relation pour la vie.                                                                                             Avez-vous des enfants? demanda Louise en traversant la rue des cerisiers pour se rendre au parc.                                     Oui, j’ai un fils qui est dans la marine, il est basé au Falkland et j’ai une fille qui demeure en Australie maintenant. Ils ont chacun leur petite famille et je les vois qu’aux occasions extraordinaires pour vous dire vrai; 3 fois par année. Je ne reçois aucun appel vidéo non plus. Et vous, jeune fille? demanda Marguerite en signalant du doigt de tourner sur le petit pont près des hibiscus.                                                                                               Je suis très bien toute seule. Je suis très difficile à vivre vous savez.                                                                                      Je ne vous crois pas, j’ai immédiatement su que vous étiez une bonne personne.                                                         Ah! Nous avons un deuxième point en commun. C’est mon métier de saisir le gens en moins de cinq minutes sinon, je les expulse de l’avion, dit-elle en riant. Vous voulez-vous reposez un peu? demanda Louise.                                                Bonne idée, dit Marguerite cela faisait un moment que je n’étais pas venue jusqu’ici sentir ses muguets. C’est magnifique n’est-ce pas?                                                                Nous avons un autre point en commun. L’amour de la nature et des animaux, me remplit de satisfactions avoua-t-elle en s’asseyant sur le banc. Mon chien est toujours content de me voir et mes fleurs aussi dit-elle en riant.                                                                                   Oui, en effet lorsque nous sommes en symbiose avec la nature elle nous le rend bien. Écoutez-moi ce chant du roselin.                                                                                           On n’a jamais le goût de partir. On passe d’innombrables heures à jardiner sans même se rendre compte que le soleil va bientôt se coucher. J’adore vivre au jardin.            Moi aussi mais j’aime bien aller dans le jardin de St-Johns Wood pour rester branchée, dit Marguerite en riant. Prenez ce crayon et dessinons ce Jacaranda mimosifolia. Il est spectaculaire.                                                                                  Oh! Je ne sais pas dessiner. Je suis la seule dans la famille qui ne sait pas dessiner. Ma mère, mes deux sœurs sont très douées vous savez. Autrefois, j’étais professeur de maternelle et je pense que mon niveau de dessin s’est arrêté là.                                                                                      C’est un art qui s’apprend lorsqu’on connait la base c’est très facile. Allez, prenez ce crayon et regardez droit devant vous. Ah! attendez je vais vous donnez une feuille. Elle s’apprêta à déchirer son livre.                                                                            Non, ne faites pas ça. C’est un sacrilège. Non, je vous en supplie, dit Louise en se levant. Allons au café et je vous promets d’essayer de le griffonner sur le napperon en papier, je ne veux pas ruiner votre beau livre de croquis. Il est vraiment sublime cet arbre. Je vais quand même le prendre en photo. Allons-y.                                                          Nous sommes tout prêt.                                                           Oui, super, le petit café dans la roseraie quelle bonne idée.  Il fait tellement beau aujourd’hui. Ils font les meilleurs petits gâteaux au citron de Londres.                                                                   Vous connaissez cet endroit.                                                         Oui.                                                                                                Ah! Vous venez souvent ici.                                                             Oui j’adore y venir. La vie ne semble jamais s’arrêter même si vous êtes …Elle réfléchit un instant. Même si vous êtes vieux ou vieille, il semble que vous faites encore partie de cette vie dans cette ville. Vous allez dans les pubs, les cafés, les parcs, les beaux jardins, au musée, vous continuez de vivre contrairement aux grandes villes en Amérique. Je constate que rendu à un certain âge on vous met au rencart, on vous stationne dans des maisons pour personnes âgées, on vous installe sur une chaise berçante et voilà; La vie s’arrête là. Vous attendez qu’on vienne vous donner à manger, vous attendez encore qu’on vienne vous changer de couche puis on vous bourre de pilules pour que vous ne puissiez plus réagir ou bouger et on vous assomme encore avec des médicaments en fin de soirée pour que vous dormiez toute la nuit. Vous êtes condamné à finir votre vie comme vous l’avez commencée: pas de dent, avec une couche et quelqu’un qui vous donne à manger. C’est pathétique mieux vaut demander l’aide à mourir pendant que vous en êtes consciente. Le rêve des beaux jours c’est écroulé.                                                                                             Elles entrèrent au café.                                                                                       Vous avez votre code barre pour le Covid? demanda la jeune préposée.                                                                                         Oui, répondit Louise le voici.                                                             Très bien vous pouvez entrer.                                                  Nous allons rester dehors.                                                  Parfait mais vous devez vous installer aux endroits indiqués. Prenez ce numéro et attendez qu’on vous appelle.                                                                                               Allons-y, asseyez-vous Marguerite. On est rendu des gens masqués avec des numéros.  Dites-moi qu’est-ce qui vous ferait le plus plaisir; le scone ou le cake au citron? Faites-moi la surprise, dit Marguerite en souriant et n’oubliez pas les napperons en papier.                                           Ah! Vous êtes une petite coquine.                                                                                                                      Numéro 20 appela la jeune fille.                                          Louise se leva pour passer sa commande.                                                  Pendant ce temps-là, Marguerite admirait les roses et s’enivrait de leur parfum si odorant. Elle était si heureuse d’être revenue. Elle se rappelait les bons moments passés avec son mari à se promener main dans la main.                                                        A quoi pensez-vous ? demanda Louise en revenant avec un plateau bien rempli.                                                                                              La solitude. Elle vous rend tellement vulnérable, elle vous enlève le goût de vivre malgré toutes les beautés du monde.                                                                                      Elle prit le scone et le gâteau au citron.                                               Je venais ici très souvent avec mon mari puis ensuite j’ai arrêté d’y venir cela me brisait le cœur.                                         Oh mais …voulez-vous qu’on aille ailleurs?                                Non, insista-t-elle. Je suis très heureuse d’être ici, ça me fait le plus grand bien. Les souvenirs sont si bons. Ils ne sont plus aussi douloureux qu’avant. J’ai soigné ma plaie ce que je ne pensais jamais pouvoir faire. Tant d’années écoulées. Tant d’années perdues. Je vois que vous avez pris des scones et des gâteaux s’exclama-t-elle pour changer de sujet.                                                                             Et j’ai des napperons en papier. Elles partirent à rire tout en préparant leur tasse d’Earl Grey.                                                      Depuis combien de temps êtes-vous agents de bord? demanda Marguerite curieuse.                                                       Je suis là depuis trop longtemps mais j’adore découvrir de nouveaux lieux mais effectivement, je l’admets je ne suis plus jeune non plus mais on a tous besoin d’argent.                                                                           Est-ce que vous cherchez encore l’âme sœur?                             Oh! non pas du tout. Vous savez quand j’admirais les étoiles cette nuit dans l’avion pendant que tout le monde dormait, je me suis mis à réfléchir pourquoi je continuais à faire ce métier. Ce n’est plus très chouette de faire un tour d’avion. C’est plutôt dangereux.                                                                                   Marguerite dévorait son gâteau au citron en l’écoutant.                              Vous savez, remarqua Louise. Dès notre naissance jusqu’ à l’âge de 14 ans vos parents vous adorent, vous chouchoutent, vous êtes leur plus grand trésor. La famille c’est ce qu’il y a de plus important mais aujourd’hui je ne le sais plus, bref dit-elle en prenant une gorgée de thé. Lorsque vous devenez un adolescent jusqu’ à l’âge de 20 ans, vous vous rebellez et vous n’avez qu’un seul désir de voler de vos propres ailes. De 20 ans jusqu’à 40 ans, vous démolissez tout sur votre passage. Vous sortez vous amusez et abusez des bonnes choses. Vous n’avez qu’une vie à vivre et vous allez la vivre au jour le jour. Pendant des années vous vivez à cent à l’heure le moment précis sans but sans penser au futur. Quelle imprudence. Quelle absurdité. À cette période de votre vie cela semble la meilleure décision : Vous vivez qu’une seule fois.  Rien ne peut vous arrêter. Puis un jour vous finissez par ralentir pour vous rendre à l’évidence qu’il faut un jour ou l’autre vous commettre à devenir responsable. Vous n’avez plus le choix vous ne pouvez plus rêver.                                                                                                                                                                      Et pendant la quarantaine, continua Louise, vous essayez de rattraper le temps perdu, les factures s’accumulent, vous travaillez et vous n’en voyez plus la lumière au bout du tunnel. Quand vous atteignez 50 ans vous devenez un fantôme de la société on ne vous regarde plus, on ne vous appelle plus, vous n’allez plus danser, vous rentrer chez vous, vous faire consoler par votre chien; c’est pathétique. Qu’est-ce que vous avez fait pour en arriver là?  Vous avez perdu l’essentiel. Vous êtes fatiguée la plupart du temps et vous réalisez que toutes les parties de votre corps vous font mal mais qu’est-ce qui vous reste à faire? demande Louise à Marguerite qui mangeait la dernière bouchée de son gâteau incapable de répondre à Louise qui se faisait du soucis. Je crois, je suis certaine, que j’ai tout vu, j’en ai assez, j’ai fait le tour de la terre, j’ai une maison, un beau jardin et je pense sincèrement que je serais prête à dire au revoir à cette planète.                                                                                            Marguerite s’étouffa avec sa gorgée de thé.                            Mais qu’est-ce que vous dites? Cela n’a aucun sens, j’ai 85 ans et j’ai encore plein de choses à faire et à découvrir. Je n’arrête pas de la journée.                                   Louise étendait sa crème anglaise sur son scone et ajouta de la confiture de fraise. Allez, Marguerite, je vous écoute donnez-moi une bonne raison pour ne pas dire au revoir à tout le monde et laissez ma place à d’autres.                          Mais oh! Marguerite se mit à trembler et le thé déborda elle se dépêcha à l’essuyer. Vous êtes allez à la conquête du monde sans avoir eu la chance de faire le vrai voyage.  Le vrai voyage, répéta Louise, oui, celui qui vous mène à l’intérieur de vous-même, qui vous fait découvrir qui vous êtes vraiment, qu’est-ce que vous avez fait toute votre vie? Pourquoi l’avez-vous fait et que changeriez-vous? Auriez-vous fait autrement? Qu’est-ce que vous voudriez changer de votre façon de faire, de voir, de penser? En 2020 plus moyen de dialoguer tout ce qui importe aux gens c’est de parfaire leur image.                                                                                         Mais si vous chercher vraiment comme j’imagine vous aimez le faire dans vos voyages, vous trouverez à l’intérieur ce qui vous redonnera le goût d’exister.                              Oui, je sais mais malheureusement tout est éphémère.                                                                                  Vous m’avez invité à prendre le thé, un petit geste à la fois vous conduira vers d’autres horizons.                                                                                      En effet mais cela ne me tiendra pas en vie pendant un autre 10 ans, 20 ans,  voire même 30 ans. Ai-je assez de courage pour affronter cette nouvelle étape de ma vie pour continuer ainsi sans passion ni de goût d’existence? La passion de vivre s’estompe rien ne m’incite à continuer cette routine du mal être de vieillir.                                                                                                                                                     

Il faut saisir les opportunités qui se présentent à vous. Un jour à la fois.

C’est exactement ce que je fais j’essaie de faire preuve de grande sagesse en essayant de comprendre pourquoi devons-nous vivre ce calvaire terminal de la misère, de la douleur, de la vieillesse et de l’attente. Il faut se pencher sur le sujet pour aborder cette dernière étape en toute sérénité mais malheureusement je ne peux pas m’empêcher de penser que le pire est à venir qu’il n’y aucune solution et que je n’ai aucun contrôle.  Ou trouverai-je le courage d’avancer dans l’avenir? Ai-je besoin d’argent pour assouvir mes vieux jours? Il en faut tellement pour ne pas se soucier de grand-chose et de vivre dans une plénitude totale.                                

Allez prenez votre crayon et dessinons ces roses, crocosmias et ces agapanthus.                                                                                                                Vous êtes mon nouveau professeur de dessin.                     Je reviens lundi prochain.                                                                                                                      Elle s’arrêta pour réfléchir.                                                        Apprendre de nouvelles choses pourrait extensionner mon séjour sur terre de quelques années.                                                                                        Après avoir passé quelques heures ensemble à faire des croquis des splendides fleurs qui les entouraient, elles prirent le chemin du retour.                                                                              Elles parlaient de changer leur vie pour le meilleur ou pour le pire.                                                                                      Puis quand la lumière changea Louise traversa la rue en ne regardant pas dans la bonne direction. Marguerite essaya de la retenir par le bras…